Cap Vert

Publié le par soazigdarnay.over-blog.com

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Mars 2010. Nous revenons du Cap Vert. Le nom est celui d'un pays. En fait ce sont 10 îles différentes, très différentes. Leur écologie, et leur population, leur mode de vie, leurs touristes aussi. Le nom du pays fait référence à la presqu'île du Cap Vert au Sénégal, le point le plus occidental du continent africain (ce dernier fut nommé ainsi en 1444 par un navigateur portugais).

Au vu de notre temps disponible, nous savions qu'il serait impossible de toutes les voir. Les bateaux trop lents aux départs incertains, les vols en avions trop couteux... Nous avons choisi de découvrir celles qui nous semblaient les plus "vertes". Le Cap Vert est à une latitude proche du Sénégal, connait des périodes de pluie très marquées, courtes, alternées avec des mois de sécheresse (climat tropical sec). Par ailleurs, sa géologie, sa topographie sont proches de celles des îles Canaries et de Madère (toutes font partie de la macaronésie).

Le Cap Vert est africain pour certains, européen pour d'autres. Il est métis. La colonisation, voulue par les portuguais, a été faite par la souffrance. Pas de population autochtone sur ces îles, le climat est trop difficile. Les années de sécheresse alternent les années relativement pluvieuse suivant des cycles de 30 années (dit-on). Les années pluvieuses, les rivières couleraient pendant 7 mois. Les années sèches...

Les terres distribuées généreusement par le royaume de Portugal n'étaient pas assez alléchantes pour attirer les paysans, ce furent donc les bagnards et les esclaves qui vinrent empierrer les routes et cultiver les terres.  Le Cap Vert était la dernière escale avant le Brésil (lire le journal de Darwin, ou les écrits sur Magellan...) et permettait les derniers ravitaillements en nourriture fraiche, en eau et en esclaves.

 

Quelques dates:

1456. Découverte des îles par les explorateurs portugais. L'archipel devient une colonie portugaise.

1462. Fondation de Cidade Velha sur l'île de Santiago, premier port fortifié. Le roi du Portugal Afonso V fait don de l'archipel à son frère D. Fernando.

1466. Par Charte royale, les colons du Cap-Vert sont autorisés à faire le commerce des esclaves avec la côte africaine.16e-19e siècle: Traite négrière: le Cap Vert est au carrefour de la navigation transatlantique et du commerce triangulaire. (1550 : Un recensement dénombre 13 700 esclaves)

1860. Ouverture de la ligne transatlantique Bordeaux - Rio de Janeiro de la compagnie française Messagerie Impériale. Fin 19e, le Cap Vert est une escale pour de nombreuses compagnies sur la route de l'Amérique du Sud.

1878. Abolition officielle de l’esclavage au Cap-Vert.

1928. Construction de l'hydrobase de l'aéropostale sur l'île de Santiago, ultime escale avant le Brésil depuis la France.

1951. Le Cap-Vert passe du statut de Colonie à celui de Province.

1975. Indépendance de la République du Cap Vert.

 

Santo Antaõ


DSC_1365.JPGEn face de Saõ Vicente, aride, l'île de Santo Antaõ est bien différente. Ce fut une des premières îles cultivées et habitées. Cette année, la pluie a été généreuse et les torrents sont bien remplis. Nous avons pu découvrir des canyons de l'intérieur et marcher dans ses vallées fertiles. La topographie, très accidentée, est modelée par une érosion jeune et agressive. Les roches volcaniques se fracturent, les éboulements s'ccumulent à chaque pluie, changeant le paysage des vallées et des torrents chaque année. Les vallées abritent l'agriculture, des milliers de petites terrasses rappelant parfois des images du Macchu Picchu ou d'Asie, magnifiquement esthétiques et fascinantes. De nombreux chemins  et routes passent également par le fond des vallées. Autant dire que chaque saison de pluie, brutale, diluvienne, emporte les champs les plus bas et les routes, ainsi que certains barrages.

Et chaque années, des centaines de petites mains entassent des pierres, élaborent des murets, remontent des sacs de terre, font des canaux avec des tubes d'arrosage et un peu de ciment, construisent des citernes, ouvrent desDSC_1373.JPG vannes, plantent, irriguent... De nombreuses zones de l'île restent inaccessibles aux voitures, le transport des marchandises se fait à dos d'âne, et surtout à tête d'humain. Nous restons empotés sur le bord du chemin, étroit et pentu, alors que des hommes et des femmes dévalent en courant chaussés de sandales ou nus-pieds. Pour notre défense, je dirai que les pentes dépassent volontiers 30º, voire 40º.

Ces vallées ne sont pas une généralité: la face sud de l'île, visible depuis Mindelo, est très aride. Il est difficile d'imaginer en débarquant la fertilité de la face nord est. Le fond des anciens cratères est aussi cultivé,  leur forme de cuvette permettant d'accumuler dans le sol une belle humidité.

Nos promenades nous ont menées à la Ponta do Sol, petit port de pêche où nous avons rencontré Eduardo, un catalan, fou de plongée, de kayak et de canyoning, qui après quelques années aux Baléares et aux Canaries, a décidé de se baser sur cette île du Cap Vert et d'ouvrir des voies dans les torrents. Il nous emmène dans la vallée de Caibros, jusque Tarref' d'Cima. En remontant le sentier de fond de vallée (les Ribeiras) puis de flanc de montagne, nous croisons des paysans affairés. Le fond du torrent est organisé afin que chaque goutte d'eau soit utilisée en irrigation. DSC_1337.JPGDes banquettes de terre sont montées en colimaçons, entremêlées de pierres. Les ignames surtout sont les pieds dans l'eau, mélangés au cresson, et sur les bords les plants de tomates. Puis, un peu plus loin des patates, patates douces, manioc, coriandre, carottes, choux... Enfin les bananiers et la canne à sucre. Sur les reliefs plus secs, aux terrasses moins travaillées, des arbuste de plus de 1m recouverts de fleurs jaunes, qui produisent des sortes de haricots secs (Feijaõ en portuguais, "Couco?" en créole, en fait des pois d'Angole (Cajanus indicus)). Nous croisons un homme avec ses ânes qui monte un par un les sacs de ciments qui lui serviront à faire une nouvelle citerne d'eau.

Enfin, entre les cannes à sucre, le torrent s'échappe dans une fente rocheuse abrupte. Là, nous revêtons nos néoprène et partons en hors piste...

Les roches s'offrent, dénudées, à notre regard. Le basalte est veiné à la verticale de lave refroidie lors d'une éruption plus récente, à l'aspect schisteux. D'autres basaltes ont commencé leur cristallisation, parsemé de cristaux de mica allongés. Plus loin, une source chaude chargée en minéraux a recouvert la roche d'une couleur de cuivre oxydé. Nous alternons les rappels, les sauts et la nage dans les bassins. Pourtant, au fond de ces îlots de sable, entre les parois de roche nue verticales, là, un muret de pierres sèches, quelques bananiers, quelques plants d'ignames, un tuyau d'arrosage qui prélève un peu d'eau pour une destination inconnue...

La fin du canyon débouche sur des citernes de récupération d'eau, situées sur les deux côtés et remplies alternativement. D'anciens canaux sont restaurés, des nouveaux embranchements se créent. Nous nous déshabillons sous les regards curieux de paysans qui s'ébahissent devant la blancheur de ma peau...

 

Le lendemain, nous partons en aluguer (voiture collective) pour Chã da Igreja. DSC_1496.JPGComme son nom l'indique, un joli village autour d'une coquette église. Nous descendons à pied dans le fond de canyon après avoir circulé sur le plateau. Le fond, large, aux hautes parois, laisse deviner l'embouchure maritime. Devant l'océan, un dernier champ de canne à sucre où les hommes coupent la récolte, et nous offrent une tige à mâcher. Après Garça, un chemin littoral rejoint Ponta do Sol. Il débute dans les dunes, offrant des vues sur une terre aride où s'égarent quelques ânes. Un plant de coton s'est ressemé sur le littoral. Puis les roches apparaissent, et une route étroite se dessine, entièrement empierrée, elle souligne les courbes de la façade océanique. Plusieurs heures de marche sont nécessaire pour atteindre les villages. Nous croisons des pêcheurs avec une canne,  à la maigre récolte : quelques maquereaux et petits poissons semblables à des dorades. DSC_1476.JPGLa roche noire est blanchie par le sel qui se dépose par l'évaporation des embruns. La route n'en finit plus de monter et de descendre.

Nous apercevons des tortues marines en contrebas.

Enfin le premier village, Formiguinhas, où une petite école abrite quelques élèves en plein travail.

Puis Corvo, et la magnifique montée vers Fontainhas (dur dur en fin de journée!). Des dizaines de maisons perchées, des roches verticales aux formes expressives, et à nouveau des vallées composées de centaines de terrasses de pierre sèche étroites.

 

DSC_1529.JPGUn autre jour, une autre marche. Cette fois, nous découvrons l'ancien cratère cultivé de la Cova de Paúl. Des écharpes de nuages entrent par la brèche ouverte dur la vallée de paúl, donnant un aspect fantomatique aux paysans que nous apercevons en fond de cratère. Il labourent leur champs à plusieurs. La mosaïque rappelle à nouveau des paysages d'Amérique du sud.

Nous remontons légèrement vers l'observatoire de Pedra Rachada, au sein d'une forêt de pins (plantations de Pinus canariensis) dépaysante. Puis nous entamons la descente de Rabo Corto, jusque Ribeira Grande. Jusque Xôxô, le paysage est magnifique. Nous sommes sur des éperons rocheux aux pentes prononcées, entre les nuages, puis peu à peu nous descendons dans les bananeraies et les terrasses cultivées. Les cascades sont maitrisées et nous sommes loin du canyon étroit vu le premier jour. L'eau circule dans DSC_1559.JPGdes circuits complexes, des dessins labyrinthiques. Nous finissons sous les bananiers et entre les maisons. Les chemins empierrés entre les maisons sont aussi accompagnés d'un canal d'eau courante soit au sol, soit à la hauteur des coudes. Les vues entre les maisons sont des montagnes vertigineuses recouvertes de végétation.

Plus bas, la réalité nous rattrape lorsque nous croisons un jeune homme, un pulvérisateur sur le dos et un petit sac en plastique de produits insecticides à la main. Il se plaint des chenilles qui dévorent les feuilles de choux... Une fois atteint le fond de vallée nous empruntons la piste qui sert aux voitures. C'est la fin de journée et les aluguers remontent de Ribeira Grande vers les villages perchés. De grands manguiers et arbres à pain nous surplombent. Puis, en nous approchant de la ville, les camions se multiplient pour la réfection de la route, la production de sable et de gravas et c'est couverts de poussière que nous arrivons enfin à destination.

 

Nous rentrons sur l'île de Saõ Vicente par bateau. Les légumes et fruits nous accompagnent. Santo Antao, île jardin, exporte une grande partie de sa production, il nous était difficile de trouver des fruits et légumes frais à acheter. Nous avons fait une cure de bananes. Les papayes que nous voyions à la porte de chaque maison ne se vendent pas dans le commerce, ni les goyaves. Les légumes verts autres que les choux sont quasiment introuvables, nous mangions des poissons (surtout de la garoupa, sorte de mérou de couleur rouge) accompagnés de riz, patate douce, ignames et carottes, ou de la Feijoada: mélange de pois, haricots secs, poisson et viande de porc.

 

Saõ Vicente


Sur l'île de Saõ Vicente, au XVIIe siècle, on rapporte qu'il avait été lâché du bétail (ânes et chèvres) laissé à lui-même, que l'on venait tuer périodiquement (lire "Relation journalière du voyage fait en 1699 aux îles du Cap Vert" par Duplessis). La baie de Mindelo, alors inhabitée, était un port naturel très sûr et très poissonneux. Aujourd'hui, Mindelo est un port international, industriel, connu pour son carnaval.

Nous restons quelques heures à Mindelo, mais nous aurions pu être dans une autre ville du sud. De taille importante DSC_1315.JPGpour le Cap Vert, mais assez réduite d'un point de vue occidental, il est facile d'en faire le tour. L'ambiance est agréable, mais le littoral industriel gâche l'ensemble... Il doit être plus sympathique d'arriver par la mer et de prendre le temps d'apprécier l'ensemble de la baie avant d'accoster.

Nous faisons une échappée vers  Saõ Pedro avant de prendre notre avion vers Santiago. C'est une plage étendue aux vagues hautes et régulières, où s'ébattent quelques locaux et surfers. Derrière la plage, un complexe hôtelier "haut de gamme" a dressé ses barbelés et grillages, à travers desquels on peut voir une piscine et un gazon artificiel bien vert.... Les activités proposées sont des tours de 4x4 et quads dans les dunes ou dans les steppes d'acacias. La nourriture vient presque exclusivement de Santo Antaõ, et du continent. par exemple, les jus de fruits à saveur tropicale en bouteille ou pulpe congelée viennent du Brésil, le beurre de Hollande, l'eau, la bière et le café du Portugal. Et dire qu'il y a des plantations de café sur plusieurs îles...

En tout, nous ne sommes restés qu'environ une nuit et un peu plus d'une journée entre nos déplacements, sans vraiment de regrets.

 

Santiago


L'île est la plus grande de l'archipel, et Praia en est la capitale. L'aéroport n'est pas aussi bien aménagé que sur Sal ou Saõ Vicente. Nous avons eu l'occasion d'y dormir entre deux vols (arrivée à 3h du matin, départ à 8h) et je le déconseille. Les banquettes sont peu confortable, les lumières vives et la musique forte... L'ambiance y est par contre beaucoup plus africaine, ce qui se confirme dès la sortie du bâtiment.

Praia est assez étendue, mais le centre ville à visiter est petit. Plusieurs restaurant accueillent de la musique en live le week end, malheureusement on y était le dimanche soir... Comme nous avions décidé de limiter notre séjour sur l'île et de garder plus de temps pour la visite de Fogo, nous avons décidé de rester dans la région de Rui Vaz, où un couple d'ingénieurs agronomes ont monté une petite infrastructure hôtelière. Nous ne connaîtrons donc pas Tarrafal (nord de l'île, plusieurs hôtels et visites organisées).

Rui vaz est au centre de Santiago, près du Pico da Antania (1394m), une région au climat frais, venteux. Le paysage est marqué par une politique de boisement efficace mais plus pauvre qu'à Santo Antaõ. On remarque beaucoup  d'Euclyptus et d'Acacias d'origine australienne. Les Eucalyptus supportent très bien la sécheresse, mais ont le désavantage d'assécher encore plus les sols.

Nous profitons d'un taxi pour découvrir quelques villes avant de descendre à la pension. Premier arrêt à Santo Domingo, où une femme qui nettoie la cour de l'église nous accueille gentiment et nous ouvre les portes. L'église est très simple, on remarque l'autel sculptée en forme de proue d'un navire. Les bougainvillées recouvrent largement les bâtiments abandonnés du petit village.

Puis nous nous arrêtons au jardin botanique, à Assomada. Là, quelques hommes assurent l'entretien et maintiennent une petite pépinière de plantes ornementales à la vente (hibiscus et autres...). Sur une banquette de taille réduite, les plantes endémiques sont représentées, et nommées. Un peu plus haut, les arbres introduits dans l'île, essentiellement pour leur bois. L'ensemble du jardin occupe un espace réduit et le guide ne donne que des informations générales. Il est plus profitable de s'accompagner d'un guide de plantes tropicales et du feuillet de plantes endémiques publié par le département touristique du Cap Vert. On regrette que les plantes endémiques ne soient pas plus généreusement plantées.

On continue notre visite par un marché local, où nous retrouvons une grande quantité de produits provenant de Chine,(linge et ustensiles), des légumes et du poisson frais, quelques paniers et mortiers en bois.

Puis nous partons à la recherche d'un arbre légendaire, un fromager d'un âge plus que respectable, au tronc DSC 1637gigantesque. Il est au fond de la vallée de Boa Entrada, entouré de plantations de manguiers et bananiers. Impressionnant. A proximité, une distillerie artisanale, où nous voyons un âne tourner sans relâche pour presser la canne.

Nous retrouvons notre logement, où les propriétaires ont développé le goutte à goutte. Une grande partie de leur production, dont beaucoup de fraises, est faite dans leur propriété sur l'île de Fogo. A Rui Vaz, leur terrain, de taille plus modeste (environ 3000m2) est essentiellement occupé par la construction d'un restaurant à vue panoramique, où viennent de nombreux citadins le week-end, et de chambres. Le système de goutte à goutte leur permet de démarrer la végétation plus tôt, afin qu'elle profite pleinement de la saison des pluies et que la production arrive en avance sur le marché, bénéficiant ainsi de prix plus élevés. Par exemple, les choux sont plantés en juin, les pluies sont généralement prévues fin juillet/début août. Sur leur site de Santiago ils utilisent 160.000l d'eau de pluie et ont creusé un puits de 250m de profondeur.

Le lendemain nous retrouvons les gens de la distillerie en pleine randonnée, ils profitent du dimanche pour marcher dans les alentours. A chaque pause ils se requinquent grâce à une fiole de grogue qui ne les quitte pas... Nous avons essayé sur leur conseil, moi ça m'a plutôt coupé les jambes...

Je regrette que nous n'ayions pas visité Santiago en premier. L'île a des paysages moins impressionnants que Santo Antaõ ou Fogo, mais les vallées et plantations sont intéressantes. Surtout, elle est peu touristique et sa population est simple et sympathique.

 

Fogo

 

Fogo est une île relativement petite mais au caractère très marqué. L'île est en fait un volcan, à la base parfaitement DSC_1070.JPGronde, avec un cratère central partiellement effondré, dans lequel se sont érigées des cheminées secondaires, dont celle de la dernière éruption de 1995 (pico pequeno). L'île fut appelée Saõ Felipe par les portugais puis changea de nom pour Fogo, feu en portugais.

Nous sommes arrivés par Saõ Felipe, petite ville animée par le marché chaque matin. A la vente, du poisson, dont  des maquereaux et des garoupas, parfois des morceaux de grands poissons de la famille des thons ou des  espadons,  des petites pommes à la chair farineuse et acide, des choux, salades, tomates, carottes, légumineuses, racines de manioc, d'igname et de patate douce...

Puis nous sommes montés vers Chã das caldeiras, un village de 300 habitants au centre du cratère effondré. DSC_1253.JPGLes pentes sont surtout plantées d'acacias africains de ce côté de l'île, donnant un aspect de savane sèche. A l'entrée du parc volcanique, le paysage devient lunaire, sol noir recouvert de pouzzolane et basalte, peu de végétation. On rejoint le village au centre du cratère, écrasé par la masse du pico grande qui culmine à 2829m. La vie semble y être paisible, centrée autour d'activités agricoles et touristiques. L'île possède la terre la plus fertile de l'archipel grâce aux éruptions régulières du volcan, tout particulièrement sur le flanc nord-est, et en son centre.Autre information intéressante: les trois types de volcanisme sont présents sur l'île.

Nous rencontrons le fils du directeur de la coopérative viticole située dans le village. Le vin produit à Fogo fut introduit par les portugais, en premier lieu pour produire le vin de messe. C'est la seule île qui possède la terre propice à sa culture. La variété traditionnelle est appelée "manecaõ". C'est alors un vin jeune, aigrelet, rustique, qui monte vite à la tête. Il est encore produit dans le village et nous avons pu le goûter à la buvette. La coopération italienne a permis l'établissement d'une cave coopérative aux techniques d'élaboration modernes. Des cuves inox ont été importées, des variétés de vignes plus classiques, pour le rouge et le rosé. Le blanc est un vin sec fait avec une variété de moscatel, c'est le plus agréable.

Un vin doux est élaboré à partir de raisins secs, puis des eaux de vie permettent la valorisation de fruits tels que grenade, coing, goyave... La coopérative a pour projet de construire une petite conserverie de confitures pour  permettre une meilleure valorisation des productions locales.

Un jeune homme nous explique également le projet de récupération des noix de Jatropha curcas (origine Amérique latine) pour fabriquer du biodiesel. Il avait été introduit ainsi que le ricin pour la production d'huile à des fins industrielles en Europe (savons, vernis...), et depuis se ressèmerait naturellement. Les noix étant vénéneuses, la plante n'a pas d'autre utilité. (Le Jatropha est de plus en plus cultivé dans les zones désertiques, et de plus en plus dénoncé car bien qu'il supporte la sécheresse, la production de noix ne se ferait que grâce à une irrigation permanente... lire "Jatropha, une aberration pour le Mozambique", http://www.swissaid.ch/global/PDF/entwicklungspolitik/agrotreibstoffe/executive_summary_f.pdf)

Lors de la saison des pluies, une grande partie de l'eau se stocke dans le cratère et remonte par capillarité le reste de l'année, au contact du sous-sol toujours chaud. Les gravas de lave de couleur sombre conservent l'humidité de la rosée et des brumes. Les fruitiers et les vignes sont plantés dans des trous de terre enrichie de fumier, la lave recouvre le sol sur environ 1m. (La technique est la même pour les vignes de Lanzarote aux Canaries.) On retrouve essentiellement des pommiers, des grenadiers et des cognassiers en plus de la vigne. Ils ont l'aspect d'arbustes très ramifiés, bien différents des arbres que l'on connaît en Europe. Sur les bords des pentes à l'intéreiur du cratère, des poches de terres dégagées de la lave permettent la culture de mais après les pluies, de même certains espaces sont transformés en enclos pour vaches, chèvres ou brebis avec la pierre volcanique entassée.

La soirée dans la buvette est très animée, la population du village y défile, et des musiciens y mettent une bonne ambiance.

DSC_1146.JPGUn autre jour, nous partons pour la journée découvrir les pentes du volcan vers Mosteiros. On traverse ainsi un espace forestier et une pépinière, puis des plantations de caféiers. Le café de Fogo est très renommé, et absolument pas exporté. C'est un arabica très doux. La randonnée se révèle être très jolie, mais les jambes sont bien fatiguées sur la fin, après plusieurs heures sur une pente abrupte. Là encore au niveau des plantations nous sommes allègrement doublés par de jeunes adultes portant de lourd fardeaux sur leur tête: bois, récoltes.

La forêt est plantée d'Acacias d'Australie (A. mangium, A.mearnsii par exemple), de Grévillea robusta, d'Eucalyptus, également originaires d'Australie. On retrouve sur la lisière de nombreuses plantes endémiques telles que euphorbes, lavandes, echium... Il n'existe pas de grands arbres endémiques, ce qui explique l'introduction d'espèces étrangères. On peut néanmoins regretter qu'il ait été sélectionné des espèces à croissance rapide, souvent invasives, provenant de continents lointains. J'apprécie davantage les plantations de pins et cyprès originaires des Canaries, et d'Acacias originaires des côtes africaines. L'ombre est bienvenue, et arrive à être fraîche au coeur du bois,   près d'un lit de torrent sec, où est installée la pépinière. A cet endroit le chemin change d'aspect. Avant, c'était une route soigneusement pavée. A présent, c'est un étroit sentier de terre qui s'insinue entre les arbres. Peu à peu la végétation change, on distingue sur les pentes éloignées des terres labourées. C'est un vrai plaisir  lorsque nous émergeons dans la première plantation. Quelques manguiers dépassent d'une mer de feuillage sombre et persistant. Des orangers aux oranges petites et acides sont mélangées au caféiers lourds de grapes de fruits rouges. Une cabaneDSC_1164.JPG faite de pierre et de paille offre un refuge réduit près d'un petit potager soigneusement entretenu, où poussent les choux, le maïs, le feijaõ. A présent le chemin descend dans les caféiers, quelques poules traversent devant nos pieds, des voix résonnent mais les corps restent cachés. Nous surplombons la côte, et à l'horizon: une ligne bleue parfaitement vide.

Nous arrivons enfin sur les premiers villages du littoral, l'après midi est bien avancée et il nous faut retourner au sein du cratère. Finalement nous trouvons un taxi pour entamer un voyage de près de 2 heures. Il faut refaire le tour de la moitié de l'île pour retrouver la route qui monte en serpentant vers le Pico, seuls les moteurs gasoil s'y risquent. Nous passons ainsi toutes les coulées de laves qui ont marqué la face est du volcan. Nous voyons ainsi de magnifiques paysages, la marque des torrents qui creusent la lave, une végétation pauvre, des pintades qui s'échappent en groupe. Les seules plantations sont celles de pois d'angole, que l'on retrouve aussi en abondance sur les hauteurs des bords arides du cratère. (on nous informe que les familles sont prêtes à marcher plus de 4h pour permetttre le maintien de ces cultures. Les terres et propriétés ne sont pas référencées en cadastre, seuls l'entretien et la tradition définissent le droit à la terre).

Notre logement est tenu par un français, une maison faite en pierre de lave, un patio recouvert de pouzzolane, et des dizaines de bouteilles d'eau remplies qui chauffent tranquillement au soleil... C'est l'eau chaude de notre "douche". Le groupe électrogène est mis en marche le temps de diner.

A l'aube, nous partons avec un guide pour l'ascension du pico grande. L'harmattan est peu violent ce jour là, c'est une chance car la montée est moins difficile. Peu à peu nous nous élevons au dessus de la terre noire, nous lisons les différentes étapes des éruptions, nous percevons les limites du cratères, puis les limites de l'île. C'est le premier volcan actif que je découvre ainsi, c'est enivrant. La descente est ensuite bien plus rapide, puisque nous glissons et bondissons dans une épaisse couche de pouzzolane.

La dernière vue de l'île sera depuis l'avion, le pico dépassant une mer de poussière levée par l'Harmattan qui se confond avec la mer et dissimule les côtes. Fogo est alors une montagne fantomatique perdue dans l'immensité de l'océan.

Publié dans Voyages

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