Togo 2011

Publié le par Soazig

7 Juillet 2011: départ pour 1 mois au Togo.

Le voyage a été préparé avec François Couplan, qui soutient la création d’une plantation de plantes médicinales à Kouma Konda, un projet de Jérôme, togolais, guérisseur de père en fils.

http://www.couplan.com/fr/projets/togo.php

Derrière ce projet précis, le souhait d’encourager la replantation des forêts, et de changer le regard des gens sur leur écosystème.

Mon rôle pendant un mois : donner des cours de compostage pour apprendre à gérer l’amendement des terres agricoles sans avoir recours à la technique traditionnelle du brulis ou aux engrais chimiques subventionnés depuis peu par l’état togolais. Eventuellement, parler des toilettes sèches ou encore d’autres techniques en agroécologie (engrais vert, BRF, plantations sur buttes…) Je donne ces cours en compagnie de Sylvestre T. Kodjo, étudiant togolais de Lomé.

Ce voyage s’inclue dans les actions développées par notre association Milin Bruillac.

 

Arrivée à Lomé, il faut encore valider mon visa auprès d’une administration, tout est une question de patience et… d’un peu d’argent.

DSC_2719.JPGJe loge avec Sylvestre dans une chambre, comme beaucoup d’africains. Ce sont des pièces carrées d’environ 15m2 (lit+canapé+table basse+TV+ustensiles de cuisine et nourriture stockée+malles de vêtements), distribuées en ligne autour d’un patio central où résident des poules et souvent de petites chèvres. Le robinet commun d’eau courante est un luxe qui évite les corvées de bassines portées sur la tête. Chacun possède son réchaud, parfois une bouteille de gaz, souvent un brasero de charbon, conservé dans la chambre ou devant sa porte. Les toilettes sont communes (genre à la turque) et la douche est le plus souvent constituée d’un local carrelé où l’on se rend avec son seau d’eau. L’électricité coupe parfois sans aviser; elle se règle en général par forfait payé d’avance, estimé selon l’équipement disponible dans la chambre. Le propriétaire s’autorise un droit de regard permanent, et les locataires finissent par développer une certaine solidarité.

 

REPAS

 

Nous préparons mon premier vrai repas togolais : de la pâte avec des feuilles.

Nous avons acheté des feuilles d’aubergines (variété à feuilles lisses, fruit de la taille d’un œuf de couleur blanche) que l’on fait bouillir pour en diminuer l’amertume.

On prépare le fond de sauce : sésame pilé, potasse (toujours… Pour limiter l’acidité), grains de poivre noir, tomates et concentré, oignon, anis vert, gingembre, poisson fumé entier (genre maquereau), quelques piments, huile de palme rouge, sel. Une fois mijoté, on y rajoute les feuilles cuites.

Puis on prépare la pâte : on tamise un mélange de farine de mais avec de la poudre de manioc acheté au kilo, on en dilue une partie dans de l’eau froide et on le jette dans l’eau bouillante. Une fois épaissi, on ajoute le reste de farine, la pâte est faite. On la sert grâce à des bols ou des calebasses mouillées à l’eau froide. On en stocke d’avance pour le repas du soir et éventuellement du lendemain (pas plus, il n’y a pas de frigo ici et la nourriture tourne vite, il faudra réchauffer pour garder jusqu’au lendemain).

On sert la pâte recouverte avec la sauce dans une assiette commune où tous se servent, avec les doigts, lavés, bien kouma1.jpgsûr. On peut aussi acheter de la pâte toute prête dans des échoppes dans la rue, parfois fermentée, ce qui lui donne un petit goût acide.

Le principe des repas est toujours un peu le même : une pâte ou des tubercules ou encore du riz avec une sauce avec ou sans feuilles, toujours avec un peu de poisson, ou de l’œuf ou de la viande. Parfois la pâte est plus solide, comme le célèbre fufu, constitué de racines de manioc pilées. Le petit déjeuner est souvent constitué de bouillie semi liquide, constituée de mais ou de tapioca, accompagnée par un beignet.

Les fruits sont délicieux mais ne se mangent pas souvent pendant les repas. J’ai tout particulièrement apprécié une variété de petit ananas pointu à chair blanche, incroyablement tendre et parfumé. Sinon, nous avons consommé des mangues, des corossols, des bananes, des oranges, des papayes, des noix de coco, des arachides, de petites goyaves, et j’ai aperçu des caramboles, des cabosses de cacao, du café encore vert, des « pommes-mangues »… Autres exemples de feuilles consommées : feuilles de Bissap (dit aussi Karkadé, Hibiscus…), de manioc, de baobab, de gombo (dit aussi okra)…

 

Kouma Konda

kpalime.jpgNous sommes partis pour 15 jours à Kouma Konda, sans doute le site le plus frais du Togo, grâce à la forêt et à l’altitude (600-800m) – la température descend jusque 16-20ºC lors des pluies. Nous avons embarqué sur une moto, avec nos deux gros sacs à dos. Nous prenons la route jusque Kpalimé puis nous montons dans les montagnes. C’est une région de production de fruits (région des plateaux), connue pour le cacao et le café. On y voit aussi de nombreux champs de tubercules (manioc, ignames) et de maïs. De près, on se rend vite compte que ce qui semble encore un couvert forestier est grignoté de toutes parts, laissant place aux plantations. Pourtant la région est présentée dans les guides comme relativement préservée. Le tourisme y est régulier, en provenance de Lomé et de l’Europe. Nous croisons néanmoins peu de blancs, quelques couples d’amis ou d’amoureux qui sont accompagnés d’un guide local.

Je rencontre entre autre un membre de l’association "France-Afrique " (?) qui semble vouloir encourager le tourisme « équitable » en parallèle de programmes de replantation d’arbres. Leur propos est le suivant : plantons des vergers de café, cacao… afin de maintenir un couvert arboré malgré la disparition de la forêt, et de valoriser l’arbre dans la culture locale (la population ne voit pas son intérêt dans le maintien des espaces forestiers). Je n’ai malheureusement pas eu l’occasion de visiter leurs propositions de plantations, mais je me permets néanmoins d’inforet-degradee.jpgterroger ces programmes sur la capacité à maintenir la diversité écologique. Même si à première vue, une plantation d’arbres et une forêt ont un aspect proche, il est impossible de recréer dans une plantation la richesse de variété et de genre de végétation qui existe dans la forêt (lianes, épiphytes, arbustes, vivaces, troncs pourrissants…). Il est parfois plus intéressant de maintenir des haies ou des marges totalement sauvages sur les abords des champs, qui assurent également le refuge d’oiseaux et d’insectes auxiliaires, et qui permettent de freiner la dispersion de maladies dans des espaces souvent monovariétaux. De plus ce genre de programme peut devenir une excuse pour arracher des espaces forestiers encore intègres. Néanmoins, l'idée de replanter des arbres et un couvert forestier doit faire son chemin. A suivre…

 

J’arrive à Kouma Konda le Week-end, et dès l’aube le dimanche, la chorale se prépare à la célébration du culte (protestant), qui commence à 9h. La cloche sonne donc dès 5h, elle est située derrière mon lit, je ne risque pas de manquer la messe… La journée est longue, la pluie n’arrête plus, à se demander comment nous avons réussi à voyager au sec. C’est un jour de siestes et de palabres. Gérôme joue des percussions durant la messe, la chorale chante des gospels et les textes se disent en Ewé. Je ne comprends rien, mais un orage accompagne les paroles, rythmant le sermon et lui allouant une sonorité dramatique. Les gouttes se font furieuses sur le toit de tôle, puis légères à nouveau.

 

plantation1.jpgGérôme est guérisseur, il part régulièrement à la recherche de semences et de boutures au Ghana proche, et jusque dans la savane du nord du Togo, puis les fait pousser dans une petite pépinière proche d’un ruisseau et les planter sur un terrain d’1Ha situé derrière sa maison. Il entretient aussi les champs qui nourrissent sa famille. C’est lui qui nous présentera aux voisins et organisera quelques réunions pour apprendre à faire du compost. Nous parlons de l’importance de préserver les variétés de semences anciennes (de nouvelles semences de maïs et de riz sont distribuées et conseillées par les ingénieurs agricoles), il m’informe que certaines variétés nouvelles de maïs poussent en 2 mois alors que les anciennes poussent en 3 ou 4 mois. Mais il a remarqué également que ces nouvelles semences ne se stockaient pas bien : les charançons les attaquent plus volontiers. Suite à notre conversation, il m’indique qu’il va bouturer des cacaoyers plantés par son grand père, des plantes qui ont à présent plus de 100ans et qui produisent toujours. Les cafés locaux sont des robusta qui ne sont plus à la mode, et là aussi il y a de multiples encouragements à arracher les vieux plants pour en tenter de nouveaux. Souvent des arbustes plus petits et plus productifs, qui sembleraient vivre moins longtemps.

Nous parlons aussi de la nécessité de consommer des aliments frais : les conserves de type occidental sont à la mode, et je ne compte plus les publicités pour le bouillon cube « maggi » ou les spaghettis « maman »… Au final, je vois peu de gens consommant les fruits.

AGRICULTURE

champs1.jpg

Je cherche à connaître le calendrier de plantation dans cette partie du monde. Chaque région possède son rythme, dirigé par son climat et son microclimat. En fait, je découvre que chaque mois porte un nom qui décrit les temps et les tâches de l’année: 

MARS : Té-Do-Xé = Temps de planter

Ce sont les premières pluies, le moment de planter les ignames, et de faire les premiers semis de maïs

AVRIL : Afo Fié = Le sable est chaud sous le pied 

Il pleut irrégulièrement, on continue les premières plantations et

semis.

MAI : Dammé = cueille les premières feuilles (amma=feuille)

Par exemple les pourpiers, épinards.

JUIN : Masa = Attacher

On attache les premiers épis de maïs pour les sécher, et prévoir les famines

JUILLET : SiamLom = Sécher Ramasser

Entre moments secs très ensoleillés et grosses pluies

AOÛT : Dasiamimé = il fait tellement froid que tu dois mettre de l’huile (sur la peau) pour te réchauffer.

Il fait trop froid pour pleuvoir (jusque 12º), brouillards, vents humides.

SEPTEMBRE : Anyonyo = il pleut en pagaille

Grosses pluies, inondations des cultures dans les vallées, manger et dormir. champ2.jpg

OCTOBRE : Kellé = 2e saison de maïs

Annonce la fin des pluies, courtes pluies et grêle.

NOVEMBRE : Adeamakboxé = Le chasseur ne voit pas l’oiseau 

Brume, annonce l’arrivée de l’harmattan.

DECEMBRE : Djomé = Dans le feu

Annonce la sécheresse, Harmattan.

JANVIER : Djodvé = Fait chaud

« vrai » Harmattan

FEVRIER : Djodjé = Feux de brousse

 

Cultures habituelles pour la nourriture quotidienne des familles:

Ignames, manioc, tomates, oignons rocambole, piments, okras, haricots cornille, riz, maïs. 

 

PEPINIERE et PLANTATION

pepiniere1.jpgAprès avoir réalisé de nombreux voyages pour rencontrer d’autres guérisseurs, ou pour aller à la recherche de plantes qui ne sont plus disponibles localement, Gérôme revient avec des semences et des boutures. Il ne connaît pas le processus de germination des graines. Je lui conseille de noter toutes ses tentatives, même les échecs, pour en retirer une logique selon l’origine des plantes. Certaines ayant besoin de chaleur pour germer (par exemple en étant bouillie ou passée au feu), ou d’être séchée, ou encore d’être semée immédiatement… Beaucoup d’essais se révèlent infructueux car les guides locaux qui lui permettent de trouver les arbres rares connaissent rarement le processus de germination ou de multiplication. plantation2.jpg

Autre problème, la densité de plantation dans le terrain ne laisse plus suffisamment d’espace pour de nouveaux arbres. Les espèces locales inutiles pour les cultures vivrières ou la production de bois se font de plus en plus rares, et de nombreuses plantes médicinales disparaissent. Souvent le guérisseur est le seul soin accessible, en termes de distance et de coût. De plus Il est le gardien d’une connaissance, d’une culture et d’une tradition elle aussi en voie de disparition. Le travail de création de plantations privées est donc plus important qu’il n’y paraisse, aidant aussi à la prise de conscience des voisins, de la famille, des visiteurs…Kouma Konda est un des sites touristiques du Togo. J’y ai rencontré peu de blancs, mais plusieurs groupes de citadins africains.

Gérôme utilise le compost pour le substrat de pépinière et dans le trou de plantation des jeunes plants.

 

COMPOST

Nous avons eu l’occasion d’enseigner la création de compost pour les champs à plusieurs petits propriétaires et journaliers, ainsi qu’à un instituteur et un groupement coopératif de paysans. Il semble que ce type de groupement paysan soit encouragé par le gouvernement, avec minimum 2Has( ?) de terres continues. Dans ce cas, sur le plateau de Danyi, il s’agissait de deux grands champs, maïs et riz. Le groupement possède

alors un cahier de suivi, et des ingénieurs agricoles viennent les conseiller et indiquent dans le cahier si les directives ont été suivies correctement…

 

L’intérêt du compost, en dehors de ses qualités écologiques, est de permettre l’indépendance du paysan qui peut créer lui-même l’amendement de son sol à partir de matériaux gratuits. Un amendement qui nourrit autant la terre que les cultures.

Il s’agit de réaliser un tas proportionnel à la surface de terrain à

compost-danyi1.jpg

enrichir, constitué de couches de matières azotées et carbonées, selon les matériaux disponibles.

Matières azotées : épluchures de tubercules, tous feuillages verts (surtout saison des pluies), jacinthe d’eau (localement très abondante et gênante), fruits abîmés, excréments animaux (plus intéressants lors de la saison sèche, lorsque manquent les feuilles vertes), urine…

Matières carbonées : sciure de bois récupérée dans la forêt lors de coupes d’arbres à la tronçonneuse, paille, résidus de toits de feuillage de palmier, feuilles sèches, son de riz ou d’autres céréales, résidus d’enveloppe de graines de café séchées, brindilles et petites branches sèches et écrasées…

Entre les couches, un saupoudrage léger de cendres (potassium) et de terre (activateur du compost grâce aux microorganismes et microflore présents) ainsi qu’un arrosage qui favorise la fermentation et la transformation des matières.

Le tas est fait au contact du sol légèrement griffé, sur un sol avec une très légère pente qui permette l’évacuation des eaux de pluies trop abondantes, éventuellement couvert de feuilles de bananiers si le soleil est trop agressif ou la pluie trop forte. On choisit un site un peu abrité et ombragé. On privilégie une couche de matière sèche en première couche lors de la saison des pluies.

compost gd copy

APICULTURE

Par curiosité, je demande à voir quelques ruches et à rencontrer un apiculteur. J’ai de la chance, c’est un homme volontaire et intelligent. Il a bénéficié de quelques cours: il pratique l’apiculture avec des ruches Dadant, et il possède un extracteur. Quand je lui demande s’il existe des ruches traditionnelles, il me parle de modèles de ruches en terre cuite dans la savane ainsi que de troncs d’arbres, mais qui sont systématiquement détruits pour récupérer le miel. Il me parle des habitants de la savane au nord du Togo, qui brûlent les herbes sèches pour récolter les tubercules ou chasser du petit gibier. Ils tuent ainsi les ruches naturelles, et détruisent les fleurs qui apparaissent souvent lors de la saison sèche. Du coup, il apporte régulièrement des ruches à ces populations (parfois à plus de 50km), les intéressant peu à peu au produit et à l’élevage d’abeilles.

L’abeille est plus petite et plus agressive. Les ruches n’ont pas de varroa, mais surtout des teignes et des puces. Elle sert dans les plantations de cacao.

PETITE HISTOIRE DE L’EPOQUE COLONIALE

Une femme fait un feu de brousse pour se préparer sa nourriture. Au fort (allemand, situé en haut de la montagne) la femme du « gouverneur » voit la fumée. Elle dit : « Cette fumée va me piquer les yeux », elle demande à un soldat d’aller arrêter cette personne qui ose faire du feu. Le soldat s’en va trouver la femme, qui est sur le point de manger. Il lui dit : « Enfuis toi et étouffe ce feu ». Il revient alors au fort annonçant que le malfaiteur s’était déjà enfui. La femme aurait pu aller en prison. Les gens du fort étaient autoritaires et dangereux, Kouma Konda restait peu peuplée, et la forêt est restée assez bien préservée… « Nos ancêtres ont beaucoup souffert »… »Aujourd’hui nos enfants en retirent les bénéfices »… c’est une des zones les plus touristiques du Togo grâce à la forêt…

 

PRENOMS

On me demande souvent mon jour de naissance (que j’ignore) et pour cause :

Lundi : le garçon s’appellera Kodjo et la fille Adjo

Mardi : Komlan et Abla

Mercredi : Koku et Aku

Jeudi : Yao et Yawa

Vendredi : Koffi et Afi

Samedi : Komi et Ameh

Dimanche : Kossi et Akossiwa

Publié dans Voyages

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