Un bassin, un trou d'eau

Installation

Lors de l'installation de la maison, le jardin était abandonné depuis longtemps. Les pins s'étaient ressemés et avaient grandi, des lilas avaient colonisé les espaces lumineux restants.

Seule construction, en plein milieu du terrain: une petite piscine. Ou on devrait dire plutôt: une grande baignoire. Ovale, bordures en pierre plate de la montagne, fond en brique. La brique avait gelé et le sol fendu ne conservait plus l'eau.

Afin de briser la géométrie implacable de cet ovale parfait entre quatre murs, je décidai de l'intégrer dans une autre logique. Nous sommes en méditerranée, l'eau est précieuse (la maison n'est connectée à aucun réseau d'eau de ville, ni puits)  et la pluie ne suffit pas pour remplir la piscine toute l'année. Les eaux grises : douches, éviers et machine à laver furent déviées. Après un filtre grossier, elles se déversent dans un nouveau canal qui rejoint la piscine. Le canal fut planté de Carex pendula prélevé dans une prairie bretonne, Equisetum japonica, Phragmites et Typhas récoltés dans une rivière proche. L'imperméabilité  du canal est assurée par une toile, le sol de plantation est  constitué des cailloux et graviers présents dans le sol alentour (calcaire), grossièrement triés. La pente naturelle du terrain amène l'eau à la paroi de la piscine (différence de 60cm de hauteur), où elle se déverse. Très vite le Carex double de volume, il n'est pas gêné par le calcaire, ses racines sont le premier filtre. Les Phragmites et Typhas se mélangent et assurent la filtration des eaux stagnantes avant leur devers dans la piscine. Seul incident: lors de vacances prolongées, sans pluies, le plant d'Equisetum disparait, le Carex est un peu jauni mais reprend de plus belle, les roseaux n'ont pas souffert.

La piscine est restaurée. Finalement le choix s'est porté sur une coque de résine pour garantir l'imperméabilité future. Elle est plantée essentiellement de Typhas. Un deuxième bassin est créé en dessous, plus grand, en toile polyéthylène totalement recouverte de pierre de la montagne, calcaire. Il récupère le trop plein d'une citerne d'eau de pluie et de la piscine. Il n'est pas encore planté.

Contemplation

Premières constatations: la forte évaporation (eau et plantes) en été ne permet pas l'eau d'une douche d'arriver à la piscine, il faut la cumuler au même moment d'une machine à laver. Ce n'est pas négatif, ainsi l'eau a tout le temps d'être filtrée correctement. Néanmoins, nous devons parfois ajouter de l'eau pour assurer la survie du système (mois d'août, après 2-3 semaines sans pluies).

Dès la première année, les insectes type notonecte, larves de libellules et gerris se sont installés et ont assuré le controle des larves de moustiques: nous n'avons pas remarqué de gêne à ce sujet. Dès l'installation du 2e bassin, des crapauds sont venus pondre en nombre, et les tétards ont consommés eux aussi les larves.

Nous avons reconnus trois type de batraciens: le crapaud commun (un ou deux sujets, un jour de pluie). le pélodyte ponctué (plus de dix sujets, dans les citernes alentour). la rainette méridionale (1 sujet, dans la végétation du bassin). Nous entendons quelques sonneurs mais ne les voyons jamais.

Nous ne souhaitons donc pas introduire de poissons, qui risqueraient de manger les tétards.

Nous voici au mois de mars, les pedolytes ont pondus et les tétards commencent à nager. Les chants sont essentiellement des bruits de portes grinçantes et de bruyant rôts.

écouter sur:

http://www.herpfrance.com/fr/amphibien/pelodytes_ponctue_pelodytes_punctatus.php

http://www.herpfrance.com/fr/amphibien/rainette_meridionale_hyla_meridionalis.php

Nous utilisons des produits Bio et naturels, nous sommes attentifs à ne rien jeter de toxique dans les conduits. Parfois, la chaleur aidant, l'eau libre du deuxième bassin s'encombre d'algues filandreuses. C'est un signe que trop de matière organique est en suspension. Les solutions seraient de planter de façon plus dense pour que d'autres plantes concurrencent les algues, mais cela veut dire ne plus avoir d'eau libre. Ou avoir un filtre d'apoint extérieur avec une pompe créant un mouvement d'eau oxygénant, ce qui implique une consommation électrique superflue et perturber la vie d'eau dormante. Il suffit en fait de les retirer et de les mettre au compost. La vie animale ne semble pas gênée, le problème est surtout d'ordre esthétique, et apparait lors du rapide réchauffement de l'eau au printemps (les feuilles mortes se sont décomposées au fond, les plantes ne sont pas encore toutes reparues).

Les bassins sont une source de vie incroyable, quelle que soit leur taille. Une piscine, un trou d'eau, une flaque temporaire. Les oiseaux y font leur toilette au petit jour, les abeilles et les guêpes s'y relaient sans relâche pour confectionner la cire, les libellules y naissent, les batraciens y pondent, les larves y chassent... Il n'est pas nécessaire de s'y baigner pour se sentir rafraichi.